Fadel Fall, l’art du tir : la cible dans l’œil et le Sénégal dans le cœur (Par Boubacar Kambel DIENG)

Champion national de tir sportif, formateur respecté et pilier du club Keew, Fadel Fall est l’un de ces talents que l’on croise sans mesurer l’ampleur de leur parcours.
Ce passionné de 44 ans, discret mais redoutable sur les pas de tir, incarne cette élite sportive qu’il est grand temps de mettre en lumière.

Il y a des gens valeureux que l’on côtoie tous les jours, sans vraiment les connaître. Des champions dans l’âme, humbles et constants, qui partagent nos routines mais portent en eux une passion immense et un parcours inspirant.
Fadel Fall fait partie de ces hommes.

Ce samedi 21 juin 2025, alors que Dakar vibre au rythme de la fête de la musique, c’est au champ de tir du camp Abdou Diassé que j’ai vécu ma propre mélodie, faite de coups de feu bien placés, d’échos métalliques, de concentration… et de révélation.

Membre du prestigieux club Keew, Fadel est aujourd’hui en tête du classement national en tir sportif. Depuis le début de la saison, il ne quitte plus les marches du podium. Premier ou deuxième, selon les épreuves, il domine avec une régularité impressionnante.

Son calme, sa précision, son engagement… tout chez lui respire la rigueur du grand sportif.

Il découvre le tir en 2007, pour des raisons de défense personnelle. Mais la passion s’infiltre vite. Trois ans plus tard, il franchit un cap décisif en recevant sa première arme de compétition.
Et c’est là qu’un moment fort donne tout son sens à notre rencontre.

En plein entretien, son téléphone sonne. Il décroche et, avec un sourire complice, lâche : « Ah tiens, justement, on parlait de toi ! Je suis en interview avec Kambel (BKD). »
Au bout du fil, Babacar Guèye, président du club Keew. Celui qui a vu en lui un potentiel, celui qui lui a offert son premier pistolet.

Babacar voulait raccrocher, mais Fadel insiste. Ils échangent quelques mots, comme entre un père et son fils sportif.
Puis, une fois l’appel terminé, il me dit simplement : « C’est lui qui m’a détecté. Sans lui, je ne serais peut-être pas allé aussi loin. »

Formé aux côtés de figures emblématiques du tir sénégalais comme Hassane Ramlawi ou Claude Dalmeida, Fadel se forge d’abord dans les salons de jeu du club Keew, chaque samedi, au camp Abdou Diassé.

Il interrompt sa progression pendant quelques années à cause de contraintes professionnelles, mais revient plus fort, plus déterminé.

Aujourd’hui, il s’entraîne chaque jour de semaine à l’école de police, et consacre ses samedis à encadrer, former, transmettre.

Responsable de la commission tir du club, chargé de la détection des talents, il s’investit sans compter pour aider les débutants, repérer les jeunes doués, et construire les champions de demain.

« Le tir, c’est ma deuxième vie, après la famille et le travail. Ma seconde famille, ce sont les tireurs », me confie-t-il, les yeux brillants.
Fadel ne veut pas seulement gagner. Il veut faire grandir. Il veut faire rayonner le tir au Sénégal, et prouver que cette discipline a toute sa place dans le paysage sportif national.

Cette saison, il a remporté la première compétition en combiné 22, puis la deuxième en disciplines standard.
Des performances qui confortent sa position de leader national. Mais ses ambitions vont bien au-delà des frontières.

En octobre 2023, il a représenté le Sénégal aux championnats d’Afrique au Caire. Une participation honorable, malgré les difficultés logistiques liées à la préparation.

Son regard est déjà tourné vers novembre prochain, et les championnats du monde, également au Caire, en Égypte.
Il espère être retenu parmi les tireurs sélectionnés pour faire briller le drapeau sénégalais sur des stands de tir aux normes internationales.

Mais Fadel est lucide : « Le tir est le parent pauvre des disciplines sportives au Sénégal. Nous avons les tireurs, nous avons le potentiel. Ce qu’il nous faut, ce sont des infrastructures modernes, des moyens concrets. »
Pour lui, l’État doit s’impliquer davantage pour accompagner les efforts de la fédération. Car l’avenir du tir est prometteur, à condition de lui ouvrir le bon couloir.

Ce samedi-là, sous un ciel bleu sans accroc, entre deux séries de tirs, j’ai découvert bien plus qu’un tireur. J’ai vu un homme debout, fier, ancré dans son art, mais tourné vers les autres.
Un champion qui parle peu mais fait beaucoup. Un artisan du sport, qui façonne des trajectoires comme d’autres sculptent le bois ou domptent la lumière.

Maintenant que vous connaissez Fadel Fall, vous ne le verrez plus comme avant.
Parce qu’un champion, ça ne fait pas de bruit.
Ça fait des résultats.

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