Air Sénégal : le choix du Boeing 737 MAX 8, pourquoi casser l’esprit de famille Airbus ?
Dans les milieux autorisés, l’annonce récente d’Air Sénégal S.A., en marge du Dubai Airshow, suscite davantage l’étonnement que l’approbation. En effet, le choix de diversifier la flotte avec l’acquisition de neuf Boeing 737 MAX 8 pourrait s’avérer être une erreur stratégique, au moment où de nombreuses compagnies aériennes font précisément le chemin inverse. Elles se tournent vers l’avionneur européen de Toulouse (France) Airbus plutôt que vers Boeing (États-Unis).
La supériorité technologique d’Airbus s’est progressivement traduite par une domination commerciale presque totale sur la plupart des segments. En face, l’avionneur américain ne cesse de s’enfoncer depuis l’acquisition de McDonnell Douglas, glissant de l’excellence technologique vers une incapacité manifeste à mener à bien de nouveaux programmes.
Le cas du 777X en est l’un des symboles : un développement si retardé que son dossier de certification est devenu obsolète auprès de la FAA (Federal Aviation Administration – Autorité Fédérale Américaine de l’Aviation civile, équivalent de l’ANACIM au Sénégal), obligeant Boeing à revoir plusieurs éléments techniques.
Et que dire du programme MAX 8, au cœur du sujet, marqué par le désastre du MCAS (Maneuvering Characteristics Augmentation System – Système d’Augmentation des Caractéristiques de manœuvre), un dispositif dont la conception et l’intégration ont révélé des défaillances managériales, techniques et organisationnelles à tous les niveaux, causant 346 morts et entraînant la troisième interdiction totale de vol de l’histoire de l’aviation civile américaine.
Depuis 2009, le Sénégal s’est résolument tourné vers Airbus, dont la sophistication, l’automatisation et la digitalisation au service de la performance et de la sûreté ont démontré, sans ambiguïté, une supériorité globale.
Comme le rappelle le Sénégalais Abdoulaye Mady Ndiaye, l’un des concepteurs des cockpits Airbus et ancien secrétaire général de l’Organisation européenne pour l’Équipement de l’Aviation civile, « l’esprit de famille » propre au constructeur européen fait que tous les avions, du plus petit A318 au géant A380, se comportent virtuellement de la même manière. Passer d’un modèle à un autre devient presque un jeu d’enfant.
Cette philosophie est à l’opposé de celle de Boeing. De plus, la diversification induit une multiplication des charges logistiques, documentaires, techniques et contractuelles : pièces de rechange, formation, maintenance, documentation, relations industrielles… Tout est complexifié et coûte plus cher.
Certes, l’avionneur installé à Arlington (Virginie) depuis 2022, après Seattle (1916-2001) puis Chicago (2001-2022), dispose aujourd’hui de nombreux MAX invendus, la production ayant continué malgré l’interdiction de vol. Ils sont donc proposés à prix cassé.
Mais même à ce tarif, il faudra mobiliser un minimum de 600 milliards de francs CFA, soit environ 70 milliards par appareil. Une dette supplémentaire venant s’ajouter à une situation financière centrale déjà très fragile, comme l’ont révélé plusieurs rapports de la Cour des comptes et les polémiques liées à la dette cachée.
Comme le souligne encore Abdoulaye Mady Ndiaye, « manager » vient du français « ménager » : savoir tirer le meilleur parti de ce que l’on a déjà entre les mains.
À ses yeux, le bon choix avait été fait depuis 2009 avec Sénégal Airlines, choix poursuivi aujourd’hui par Air Sénégal.
Alors, pourquoi remettre en question l’esprit de famille Airbus ?
Boubacar Kambel DIENG
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