COVID 19-MATAM : Les populations entre la peur du couvre-feu et le manque à gagner

Depuis l’apparition du covid 19 au Sénégal, la région de Matam est jusque-là épargnée du coronavirus, touchons du bois. Cependant les populations ont la peur au ventre et parfois même stigmatisées vu les échos qui proviennent des régions voisines. Plusieurs secteurs connaissent des changements de modes de vie, surtout le commerce avec la fermeture du marché central à partir de 18 heures.

Une situation sans doute pleine de conséquences car les commerçants et autres vendeurs voient leurs chiffres d’affaires à la baisse. Pour Aliou Bèye président des commerçants de Matam, « cette situation est très difficile dans la mesure ou les commerçants ne font plus de bénéfices. Les clients viennent par compte-gouttes ; d’autres qui venaient des contrées lointaines ne viennent plus. Mais s’agissant des mesures prises par le gouvernement, nous sommes obligés de nous plier car il y va de notre santé ».

Au marché aux poissons aussi le constat est amer car les étals sont vides ; les camions frigoristes qui venaient de Saint-Louis et Bakel n’arrivent que par compte-gouttes car les voyages entre les régions sont interdits. Du coup, les vendeurs sont obligés de croiser les bras ; « moi par jour, je rassemblais quinze paniers, mais depuis que la mesure est prise par le gouvernement, je n’arrive plus à me procurer de poissons car les camions livreurs ne viennent plus à Matam » renseigne Mamadou Fall.

Autres difficultés que rencontrent les populations de la région de Matam, c’est la fermeture des frontières entre le Sénégal et la République Islamique de Mauritanie. Nombreux sont ceux-là qui s’approvisionnaient de l’autre côté de la rive du fleuve Sénégal où les marchandises sont moins chères ; mais c’est sans compter avec les tracasseries des services de la Douane. Du coup c’est tout le secteur de l’économie qui est bloqué à Matam où certains commerçants véreux ont augmenté les prix des denrées alimentaires.

Au marché de Matam, commerçants et clients se renvoient la balle. El Hadji, ce jeune commerçant soutient n’avoir pas augmenté les prix des denrées car il achète en gros le sucre au Sénégal et vent le kilo à sept cent francs ; alors qu’en temps normal le kilo du sucre acheté en gros en Mauritanie est revendu à quatre cent francs.

D’ailleurs aujourd’hui avec la rareté des produits alimentaires, le sac de sucre est vendu en gros à vingt-six mille francs à Matam alors qu’en temps normal il coûte seulement dix-sept mille francs ; c’est le cas pour le bidon d’huile de vingt litres qui est vendu à vingt mille francs alors qu’il coûtait il y a de cela moins d’un mois treize mille francs.

C’est pour tout simplement dire qu’à Matam les prix varient selon les distances entres les localités ; et en temps normal la quasi-totalité des populations de la région venaient à Matam et traversaient pour aller chercher les produits en Mauritanie ; aujourd’hui c’est chose impossible et trouver du sucre devient plus qu’une équation à Matam.

Le secteur du transport en commun n’est pas épargné. Les véhicules entre Matam et Wourossogui ne sont plus pleins. Les voitures de sept places ne prennent que trois personnes alors que les minicars en ont droit à huit. Ibrahima Thioubou que nous avons rencontré à la gare routière de Matam nous raconte son calvaire « nous sommes fatigués car ces mesures ne font pas nos affaires ; j’ai une voiture de sept places et si je dois transporter seulement trois personnes a Wourossogui ça me fait sept cent cinquante francs cfa ; je paye le ticket « djouti », il me reste cinq cent francs et si je fais deux voyages seulement cela me fait mille francs la journée alors que je suis un père de famille, c’est dur ».

Si le commerce tourne au ralenti, le couvre-feu instauré par le gouvernement installe quelque part aussi la psychose chez les populations qui sont obligées de se confiner chez elles à partir de vingt heures. A Matam, en plus des éléments de la gendarmerie, des Militaires et de la police, un détachement de GMI sillonne les rues pour traquer les récalcitrants. Ainsi à partir de dix-neuf heures c’est le sauve qui peut. Chacun fait ses achats et rentre chez lui.

Malgré tout, certains jeunes tentent de défier la loi mais c’est sans compter avec la vigilance des forces de l’ordre qui dictent leur loi.

Pour le Gouverneur de la région de Matam, toutes les mesures ont été prises pour protéger les populations. Et Mouhamadou Moctar Watt d’ajouter « des laves mains ont été installés partout à l’entrée de la route nationale à hauteur de Wourossogui, Ranérou et Matam ; et tous les passagers sont contrôlés et sont obligés de se laver les mains. Nous veillons au respect strict des mesures et règlements mis en place »

AMADOU ISSA KANE