MENTION DU HANDICAP MOTEUR DANS LE CODE ÉLECTORAL : Une avancée pour les uns, une discrimination pour les autres

La disposition de l’article L.38 du code électoral faisant obligation à la commission administrative de signaler que ‘’l’électeur vit avec un handicap moteur’’ n’agrée pas certaines personnes en situation de handicap interrogées par l’APS à Kaffrine (centre), en prélude aux élections locales de dimanche prochain, bien qu’elle est considérée par d’autres comme une avancée majeure.

‘’La commission administrative doit faire figurer sur la liste électorale les renseignements demandés par l’administration chargée de l’établissement des listes électorales et susceptibles d’identifier l’électeur, notamment les prénoms, nom, date et lieu de naissance, filiation, profession, domicile ou résidence de tous les électeurs. Elle doit signaler si l’électeur vit avec un handicap moteur’’, affirme l’article L.38 du code électoral.

Dans une contribution reprise par plusieurs médias, le président de l’Association sénégalaise des utilisateurs des technologies de l’information et de la communication (ASUTIC), Ndiaga Guèye, estime que cette disposition favorise une ‘’propagande politique, basée sur le profilage des électeurs’’.

A Kaffrine, des personnes vivant avec un handicap déclarent ne pas comprendre son bien-fondé et la jugent ‘’discriminatoire’’.

Marie Guèye, membre d’une association de personnes handicapées à Kaffrine, considère cette disposition comme une ‘’forme de discrimination’’.

‘’Je pense que ce n’est pas une bonne idée d’identifier les personnes handicapées sur les listes électorales, je trouve cela discriminatoire’’, martèle-t-elle.

Ramata Traoré Ndiaye, représentante des sourds-muets de la région de Kaffrine, estime qu’il est important de définir l’inclusion d’abord.

‘’L’inclusion, c’est de faire en sorte que l’on soit considéré comme n’importe quel citoyen, pas comme des gens à part’’, explique-t-elle.

Le président de la Fédération des associations de personnes handicapées, Samba Diao, dit, lui, totalement adhérer à cette disposition de la loi électorale.

‘’Il y a plusieurs spécificités sur les questions liées au handicap. Cette disposition ne fait que nous aider en termes d’accessibilité, car elle permet, dans chaque localité, d’adapter les lieux de vote aux spécificités de chaque handicap’’, explique M. Diao.

Interpellé sur le risque d’un profilage électoral, il déclare que ‘’les handicapés ne sont pas des feuilles mortes qu’on ramasse et qu’on envoie n’importe où’’. ‘’Nous sommes capables de faire nos propres choix électoraux, sans nous faire manipuler’’, assure-t-il.

Pour Mame Yacine Kane, responsable de la section féminine de la Fédération sénégalaise des associations de personnes handicapées, cette disposition du code électoral devrait même être ‘’vulgarisée’’.

‘’Les personnes vivant avec un handicap ont longtemps voté sans que l’on ne précise dans une quelconque liste la nature de leur handicap. Je trouve inquiétant que cette disposition n’ait été intégrée au code électoral que récemment’’, lance-t-elle.

Le président de la commission électorale départementale autonome de Kaffrine, Malick Gaye, juge que cette disposition est une ‘’avancée significative en faveur des personnes handicapées’’, dans la mesure où elle leur facilite l’accès aux lieux de vote.

‘’L’électeur ne peut pas dissimuler son handicap, une fois dans le lieu de vote. Mis quelle que soit la nature du handicap, cette disposition lui permet d’avoir la possibilité de choisir le lieu de vote adapté à sa situation de handicap’’, explique M. Gaye.

Un avis que partage Omar Diba, adjoint du préfet de Kaffrine. ‘’L’Etat juge nécessaire que l’électeur puisse choisir un bureau de vote qui lui convient, s’il vit avec un handicap ne lui permettant pas d’accéder au bureau de vote mentionné sur son lieu de vote, lors de son inscription sur les listes électorales’’, précise M. Diba.

Selon lui, il s’agit d’une innovation qui va au-delà de l’organisation des bureaux de vote destinés aux personnes handicapées. ‘’Ils auront désormais, en fonction de leur situation, le choix d’accomplir leur devoir citoyen hors de leur bureau originel’’, souligne-t-il.

Aps