Menace de Boycott du championnat: Pourquoi les clubs professionnels envisagent-ils des mesures contre la Fédération et la Ligue pour une décision prise par l’Etat ?
Dans le cadre de la rationalisation des finances publiques, le nouveau régime en place au Sénégal depuis avril 2024 a annoncé la suppression de la subvention accordée aux clubs engagés dans les compétitions africaines interclubs. Cette mesure devrait entrer en vigueur dès la saison sportive 2025/2026.
Or, à travers la presse, il est apparu que certains clubs envisageraient de boycotter le championnat de Ligue professionnelle pour exprimer leur désaccord. Une telle réaction pose une question centrale : pourquoi orienter la contestation contre la Fédération Sénégalaise de Football (FSF) et la Ligue Sénégalaise de Football Professionnel (LSFP), alors que la décision relève exclusivement du Ministère des Sports ?
En effet, boycotter le championnat, c’est faire endosser à la FSF une responsabilité ministérielle.
En réalité, la mise en œuvre de cette mesure aura des répercussions directes sur la FSF et la LSFP, institutions investies de la mission de promouvoir et de développer le football sénégalais, tant au plan national qu’international. Mais pour saisir pleinement la portée de cette décision, il importe de revenir sur l’origine et la finalité de cette subvention.
Une subvention née de l’amateurisme structurel des clubs
Historiquement, l’État avait instauré cette subvention afin d’accompagner des clubs fragilisés par un modèle économique largement basé sur l’amateurisme. Elle visait à prendre en charge deux postes budgétaires particulièrement lourds :
les frais de transport international pour les matchs à l’extérieur ;
l’accueil et la prise en charge des officiels de la Confédération Africaine de Football (CAF) lors des matchs à domicile.
À l’époque, l’appui était vital, car la CAF ne soutenait financièrement que les clubs qualifiés au second tour des compétitions. La subvention de l’État s’est donc imposée pendant plusieurs décennies comme un levier incontournable de participation aux compétitions africaines.
Un contexte aujourd’hui profondément transformé
Depuis lors, plusieurs évolutions majeures ont changé la donne :
1. Les clubs sénégalais ont officiellement accédé au statut professionnel, même si la réalité de ce statut reste discutable ;
2. Depuis 2024, la CAF a élargi son dispositif de soutien financier, applicable dès le premier tour des compétitions ;
3. L’État a entrepris une révision de son mode de financement du sport, conformément aux impératifs de rigueur budgétaire.
Ces mutations imposent aux clubs une nouvelle responsabilité : sortir de leur zone de confort et s’adapter à un environnement où la subvention publique n’est plus un droit acquis, mais un appui conditionné par l’intérêt général et par les priorités de la politique publique.
Le dialogue plutôt que le boycott
Dans ce contexte, la menace de boycott apparaît comme une posture hasardeuse et contre-productive. L’option crédible reste le dialogue constructif avec l’État, afin d’obtenir un réexamen de la décision ou, à tout le moins, un aménagement partiel de la mesure.
Mais pour négocier avec crédibilité, les clubs doivent présenter des états financiers transparents et certifiés, démontrant de manière objective que, malgré les revenus issus du sponsoring, des transferts de joueurs et d’autres ressources, leurs comptes restent structurellement déficitaires. C’est à ce prix qu’ils pourront convaincre les pouvoirs publics de la nécessité d’un accompagnement.
Transparence et responsabilité : un préalable incontournable
L’expérience enseigne que l’État ne prend pas de décisions engageant l’intérêt général sans s’appuyer sur des informations fiables et complètes. Dès lors, le débat sur l’accompagnement public en faveur d’un sport sénégalais compétitif doit impérativement s’appuyer sur la transparence et la rigueur dans la gestion des clubs.
Si, après analyse, les bilans financiers des clubs qualifiés confirment un déficit réel, le Ministère des Sports aura non seulement le devoir de maintenir un appui ponctuel, mais également celui de proposer à l’État un dispositif de soutien durable, afin de permettre à nos représentants d’honorer dignement le Sénégal et de donner une image positive de la jeunesse sénégalaise lors des grands rendez-vous sportifs africains.
Souleymane Boun Daouda DIOP Directeur Général du Cabinet Conseil SERISE-SARL.
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