L’humanisme intégral, la recette de Fatou Diome contre « l’obsession identitaire » en France

L’essayiste et romancière franco-sénégalaise Fatou Diome prône un humanisme intégral, avec l’éducation pour socle, en guise de remède à « la montée de l’obsession identitaire » en France, dans son dernier essai, « Marianne face aux faussaires » (198 pages), paru en mars dernier aux éditions Albin Michel (France).

« Vivant en France depuis 1994 et française depuis 2002, j’ai constaté l’évolution du discours politique qui n’a cessé de dériver, jusqu’à la cristallisation actuelle autour de l’identité (…) Bien que consciente de mon impuissance, j’ai la faiblesse de ne pouvoir être indifférente aux voix qui s’élèvent, prônant la haine », écrit-elle dans cet ouvrage faisant écho à un autre essai qu’elle a publié en 2017, « Marianne porte plainte ! » (Flammarion, 144 pages).

Le dernier livre de Diome est paru à quelques semaines de l’élection présidentielle française, qui a vu Emmanuel Macron se faire réélire au second tour, face à Marine Le Pen, la candidate d’extrême droite investie par le Rassemblement national.

L’auteure aborde des thèmes majeurs, qui cristallisent souvent les passions : de l’identité à l’islam en passant par l’immigration ou le racisme.

« Pour ces sujets majeurs de notre époque, n’est-il pas dangereux de laisser les débats aux mains de polémistes aveuglés par leur idéologie ? », s’interroge-t-elle.

Fatou Diome « renvoie dos à dos les identitaires étriqués et les opportunistes victimaires qui monopolisent le débat politique », lit-on sur la quatrième de couverture de l’essai.

« Elle défend Marianne contre les faussaires des deux camps et dessine une France ouverte, laïque, lucide et généreuse, celle qui lui donne envie de se sentir française et sénégalaise. »

« Toujours en évolution, l’identité s’acquiert, se construit comme on dresse sa bibliothèque », philosophe-t-elle, comparant l’identité à « la lune qui se précise au fur et à mesure de sa formation et s’impose à la vue telle qu’elle est, sans avoir à se justifier ».

Pleine de verve, l’essayiste proteste contre ce « discours de la haine » à cause duquel « des citoyens se réveillent sereins et se recouchent meurtris », dans une France où « l’autre est considéré comme la menace primordiale ».

Fatou Diome condamne sans réserve le discours raciste et xénophobe, qui n’épargne ni les migrants ni les musulmans. « A force d’amalgames, on a fini d’associer tous les musulmans de France aux terroristes, dont eux-mêmes sont des victimes. »

« Evidemment, la société doit être protégée ; mais faut-il rassurer les uns en persécutant les autres ? », écrit-elle, soutenant que « les injustices ne protègent personne », car « elles aggravent les conflits et fragilisent la République ».

« L’éducation rend les gens beaux, puisqu’elle les habille de leur belle humanité »

Se présentant comme une Sérère-Alsacienne, en référence à son terroir d’origine et à la ville de Strasbourg, sa ville adoptive, elle invite le pays de Marianne à cultiver la « tolérance culturelle ».

La Franco-Sénégalaise manifeste un enracinement et une ouverture d’ordre culturel, en vertu desquels elle se passionne pour Bach et Mozart, mais aussi pour la kora de Soundioulou Cissokho et de Lalo Kéba Dramé, pour les voix de Yandé Codou Sène et de Samba Diabaré Samb en même temps.

« La France, même l’Europe entière, ne sera jamais riche pour m’offrir ce que je trouve dans ces musiques-là », professe-t-elle.

S’agissant de l’immigration, Fatou Diome soutient que « les dirigeants des pays riches ne pourront plus s’arroger les richesses du monde et cantonner les pauvres aux antipodes ». « Réclamant leur part du gâteau, les migrants se bousculent en lisière des zones d’opulence, et les barbelés n’y changeront rien », écrit-elle.

Sa dénonciation du racisme et de la xénophobie n’épargne ni la gauche ni l’extrême droite, encore moins « les usurpateurs des mouvements militants noirs ». « D’où qu’ils viennent, les racistes ont tous le même pelage gris et menacent la fratrie humaine. »

Le hic, selon elle, c’est que dans une France qui proclame constitutionnellement l’égalité des citoyens devant la loi, sans distinction d’origine, de sexe, de race ou de religion, « la lutte contre le terrorisme a carrément dérivé vers le tous contre l’islam », et « à force d’amalgames, on a fini d’associer les musulmans de France aux terroristes ».

« La France, c’est l’ensemble de ceux qui l’aiment, se reconnaissent en ses valeurs, respectent sa Constitution et partagent sa culture », répète Fatou Diome.

Son essai, qui inclut un dialogue imaginaire avec Marianne, se referme sur une ode à l’éducation, considérée comme le remède aux velléités identitaires de la France.

« Elle seule favorise l’estime de soi, le savoir-vivre et le respect de la loi (…) L’éducation induit la politesse, c’est-à-dire l’attitude respectueuse et respectable qui contribue au bien-vivre ensemble. Elle rend les gens beaux, puisqu’elle les habille de leur belle humanité. »

Aps