Le spectacle de trop au Grand Théâtre National : Quand la culture se juge au teint et aux cheveux (Par Boubacar Kambel DIENG)

Dans la grande cour du Grand Théâtre National Doudou Ndiaye Coumba Rose, le rideau s’est levé sur une scène presque irréelle : le Directeur Général, en acteur principal, est venu nous livrer sa pièce.
Une note de service qui, dans un élan que certains qualifieront d’excessif, décrète que les greffages, les perruques et la dépigmentation sont désormais persona non grata dans son auguste institution.

Le décor est planté : un théâtre où l’on prétend que l’habit fait le moine, où l’apparence dicterait la légitimité culturelle.

Car tenez-vous bien : un culturel doit ressembler à un culturel.
Mais dites-nous, Monsieur le Directeur, qu’est-ce donc qu’un culturel ? Est-ce une coupe de cheveux naturelle ? Une peau uniforme ? Un look estampillé authentiquement africain, selon des critères fixés où, quand, par qui ?
Faut-il, pour servir la culture, devenir une caricature de soi-même ?

Alors poussons un peu plus loin le raisonnement. Ceux qui travaillent dans les télécommunications doivent-ils porter des oreillettes et des câbles autour du cou ?
Dans les structures sportives, faut-il se présenter en short, baskets et maillot numéroté ?
Et dans les banques, tous en costume gris et cravate stricte ?
À ce rythme, chacun ira au bureau grimé en stéréotype de son secteur.
Quelle comédie !

La vérité, c’est que la culture, la vraie, celle que l’on défend, que l’on respire et que l’on promeut, n’a pas besoin de s’afficher sur l’épiderme ni de se deviner à la racine des cheveux.
La culture est une flamme intérieure.

Si l’apparence suffisait, alors Léopold Sédar Senghor n’aurait pas été notre plus grand poète-président. Lui qui arborait costumes trois-pièces européens, lunettes cerclées et diction plus française que nature.
Qui oserait dire qu’il n’était pas un culturel ?

Et puis, posons franchement la question : est-ce que le DG, là, peut aujourd’hui jurer que tous ses homologues Directeurs Généraux des maisons de culture au Sénégal, et à leurs côtés les PCA – Oui, ces Présidents de Conseil d’Administration qui sont les patrons des DG – est-ce qu’ils ressemblent tous à des culturels ?
Oui, suivez mon regard.

Le plus troublant dans cette affaire, c’est cette impression de dérive. Comme si l’on voulait assigner l’africanité à la couleur d’un teint.

Comme si, pour reprendre l’interrogation lue quelque part sur le Net d’un ami, frère de valeurs et ancien collègue :
« Une femme peule à la peau claire, une Sénégalaise d’ascendance libanaise, marocaine ou mauricienne, ne peuvent-elles pas y travailler ? »
Et encore, toujours selon le commentaire du confrère :
« Est-ce qu’une Africaine doit être forcément foncée, noire, noire foncée, pour mériter son africanité ? »
Faut-il vraiment en rire ou en pleurer ?

En tout cas, sur la grande scène du Grand Théâtre, ce spectacle-là frôle le burlesque.

La culture n’est pas un uniforme, ni un teint, ni une coiffure. Elle est un souffle, un engagement, une passion.

Et si le Directeur Général veut vraiment cultiver l’africanité, qu’il commence par cultiver la tolérance. Rideau.

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