Jimmy Mbaye : L’architecte du son, l’orfèvre du Mbalax…Par El Kabir PENE
Il était de ces âmes libres qui ne suivent pas les sentiers tracés, mais qui sculptent leur propre voie, à la manière d’un artisan façonnant patiemment son œuvre. Jimmy Mbaye, guitariste autodidacte, n’a pas appris la musique dans les écoles, mais dans la rue, dans les vibrations du quotidien, dans l’écho des traditions qui murmurent aux oreilles des esprits curieux. Il était un passeur, un alchimiste sonore qui a su écouter les voix du passé pour réinventer le présent.
Dans l’univers du Mbalax, Jimmy était bien plus qu’un musicien : il était un bâtisseur de ponts, un architecte du son. Là où beaucoup voyaient la guitare comme un instrument d’ailleurs, lui y voyait une nouvelle terre d’expression pour l’âme africaine. Il a eu l’audace de transposer sur les cordes de sa guitare moderne les résonances ancestrales du khalam, de la kora et du ngoni. Dix ans d’exploration et de persévérance pour faire dialoguer le passé et le présent, l’Afrique des traditions et celle de la modernité, le souffle des griots et les harmonies électriques du monde contemporain.
Jimmy Mbaye ne jouait pas seulement de la guitare : il la faisait parler. Il insufflait dans chaque note la mémoire d’un peuple, la cadence d’une ville, la transe d’une génération en quête d’identité. Sa collaboration avec Youssou N’Dour au sein du Super Étoile de Dakar a marqué de son empreinte indélébile l’évolution du Mbalax. Des morceaux comme Xarit ou Papa Ndiaye portent la signature de son génie : un jeu de guitare fluide, percussif et mélodique à la fois, une rythmique qui épouse le sabar tout en s’élevant vers des horizons sonores inexplorés.
L’artiste est un éclaireur, un passeur de sens, un témoin du monde en mutation. Jimmy Mbaye incarnait cette quête : il n’a pas seulement innové, il a enraciné son art dans une philosophie du dépassement. Il n’a pas cherché à imiter, mais à transmuter, à donner une voix nouvelle aux échos du passé. Sa guitare, entre les mains d’un autre, aurait été un simple instrument. Entre les siennes, elle est devenue une langue, un cri, une prière.
Aujourd’hui, il s’en est allé, mais son œuvre continue de vibrer, comme une onde qui ne s’éteint jamais. Car un artiste de sa trempe ne disparaît pas : il devient une fréquence dans le grand rythme du monde, une note suspendue dans la mémoire des peuples, un souffle qui danse dans le vent du Sahel.
Jimmy Mbaye, le griot de la guitare, repose désormais dans l’éternité du son.
Que la terre lui soit légère.
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