Hommage – Je croyais connaître Mamadou Badio Camara… je me trompais.(Par Boubacar Kambel DIENG)

« Avis de Décès : Nous avons le regret de vous annoncer le rappel à Dieu de Monsieur Mamadou Badio CAMARA, Président du Conseil constitutionnel… » Le message est tombé dans notre groupe WhatsApp de journalistes. Bref. Solennel. Déchirant.
Je l’ai relu. Deux fois. Trois fois. Et là, ce nom. Ce titre. Ce choc. Pas lui… Pas Mamadou Badio Camara.

Par réflexe, j’ai pris mon téléphone. J’ai appelé un confrère de la RDV. Il a confirmé. D’une voix grave, presque lasse. Il m’a ensuite transmis le numéro d’un responsable du Syndicat des travailleurs de la justice. Je l’ai joint. Il a confirmé la terrible nouvelle : Oui, le Président du Conseil constitutionnel est décédé ce jeudi matin à Dakar.

Il rentrait tout juste d’un séjour médical de deux mois à Paris. Je suis resté figé. Bouleversé. Je voulais en savoir plus. Son âge. Son parcours. Je suis allé sur Google. Né en 1952. Il avait 73 ans.
Et c’est ainsi que je suis tombé sur un portrait d’une richesse rare, signé Mamadou Lamine Mbaye, publié sur Dakar Actu le 3 septembre 2022.

Un texte fluide, bien construit, qui m’a inspiré. Il fallait que j’écrive aussi. Que je rende hommage. Mais au moment même où je m’apprêtais à poser mes premiers mots, un collègue — mon voisin de couloir, mon frère — est entré dans mon bureau.
Il venait m’éclairer sur un point évoqué la veille en Conseil des ministres, à propos de la prise en charge des malades mentaux.

On échangeait tranquillement. Puis son téléphone a sonné. Il a décroché. À l’autre bout du fil, un ancien collègue retraité. Une voix familière, bouleversée, qui lui annonce la nouvelle.
Puis ce nom, lâché dans un souffle :

— Pas lui, Badio Camara ?
Je l’ai regardé. J’ai simplement dit :
— Oui. Il est décédé. J’ai même fait le post sur mon réseau.

Les deux amis connaissaient bien le disparu. Leur réaction était pleine de pudeur et de douleur.
Mon collègue a murmuré à son interlocuteur :
— Il faut qu’on s’organise.

Et moi, je suis resté là. En silence. C’est à ce moment que j’ai compris : je devais écrire.
Pour ne pas laisser s’éteindre ce nom dans le silence.

Parce que Mamadou Badio Camara, ce n’était pas juste un magistrat. C’était une référence. Une mémoire vivante du droit sénégalais.

Né à Dakar en 1952, il décroche son bac au lycée Lamine Guèye, puis une licence en droit privé à l’UCAD. Il intègre l’ENAM, en sort magistrat en 1977. Il débute comme substitut du procureur à Dakar. Ensuite, Ziguinchor. Puis Kaolack. Il devient premier substitut à Dakar, puis procureur à Kaolack.
À partir de là, il enchaîne les fonctions majeures : substitut général, procureur adjoint, président de la Chambre criminelle, secrétaire général, procureur général près la Cour suprême. Et enfin, président du Conseil constitutionnel.

Un parcours national remarquable, une carrière bâtie sur la rigueur, la discrétion, l’intégrité. Mais ce que l’on sait moins, c’est l’envergure internationale de son engagement. Formé à Paris, Bruxelles, Caen, Québec, Bordeaux… Observateur du système judiciaire américain à New York, Washington, San Francisco, New Orleans, Sacramento. En mission au Zimbabwe sur les peines alternatives. Formateur au Bénin (ERSUMA), expert pour la Francophonie à Haïti. Membre de la commission des Nations Unies sur les détenus au Burundi.
Représentant du Sénégal au sein du Comité des Nations Unies sur les disparitions forcées depuis 2011.

Un homme de droit. Un homme de terrain. Un homme du monde. Et pourtant si discret, si effacé, si humble.

Ce jeudi 10 avril 2025 n’était pas un jour ordinaire. C’était un jeudi suspendu. Un de ces jours où le pays perd un socle. Un repère. Une figure.
Un homme qui n’aimait pas faire du bruit, mais dont la voix résonnait dans toutes les consciences.

Adieu, Président Mamadou Badio Camara. Le Sénégal vous doit beaucoup.

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